Collaboration avec le Synchrotron SOLEIL

Collaboration avec le Synchrotron SOLEIL

Le projet FLOWER a pour ambition de produire 3 prototypes de biocomposites dans les secteurs du nautisme (un foilboat), de la publicité sur lieu de vente (un support publicitaire) et de l’automobile, (une garniture de pavillon). C’est désormais chose faite car ces 3 prototypes ont été finalisés et une description du travail précédemment réalisé est à retrouver ici. Suite à l’acceptation d’une extension de projet, 3 nouveaux prototypes ont été produits (pale d’éolienne, annexe nautique et flanc de camion frigorifique).

L’innovation dans ces prototypes provient de l’utilisation de fibres naturelles pour remplacer la fibre de verre. La fibre de lin utilisée dans le projet FLOWER est plus légère, a un impact environnemental faible et est produite localement. Toutefois, cette fibre naturelle est soumise aux conditions climatiques et à certaines maladies. Afin d’optimiser les propriétés des fibres utilisées dans les matériaux biocomposites, un travail avec les producteurs de fibres de lin est nécessaire pour identifier les meilleures fibres et périodes de récoltes. Ceci passe par une analyse de lots de fibres visant à mieux comprendre leurs performances.

Ainsi, lors de cette étude, le partenaire Teillage Vandecandelaere a fourni des lots de fibres ayant été cultivées sur différents terroirs, avec différentes variétés et présentant différentes qualités finales de fibres, potentiellement induites par les pratiques culturales, les maladies ou les périodes de sécheresse subies par les plantes. L’estimation des conséquences d’une sécheresse sur les performances des fibres a notamment été analysée ; cette problématique est particulièrement importante dans le contexte de réchauffement climatique que nous connaissons.

Pour pouvoir analyser de manière fine l’ultrastructure et les propriétés intrinsèques des fibres de lin, l’usage des grands instruments et en particulier des Synchrotron est un atout majeur. Deux Synchrotrons sont implantés en France, dont un, le centre de rayonnement Synchrotron SOLEIL, situé sur le plateau de Saclay à Saint Aubin (91). Plus concrètement, c’est un accélérateur de particules (des électrons) qui produit le rayonnement synchrotron, une lumière extrêmement brillante qui permet d’explorer la matière inerte ou vivante. SOLEIL est une source de lumière dotée de propriétés exceptionnelles et nécessaires pour les communautés scientifiques et industrielles. Il ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour sonder la matière avec une résolution spatiale pouvant aller jusqu’à la dizaine de nanomètres et une sensibilité à tous les types de matériaux.

Les partenaires de FLOWER se sont donc rendus à plusieurs reprises au Synchrotron SOLEIL pour réaliser des mesures, d’une part pour tester les performances et la composition biochimique des fibres de lin suite à des aléas climatiques et d’autre part pour vérifier leur endommagement et leur durabilité suite à des sollicitations mécaniques ou environnementales. Par ailleurs les travaux de thèse de Alessia Melelli réalisés à SOLEIL ont permis de développer des techniques de caractérisation originales, appliquées aux fibres de lin.

Impact du stress hydrique sur les fibres de lin, ligne de lumière DISCO[1]

Dans un premier temps, des travaux ont été menés dans le cadre de la thèse d’Alessia Melelli et s’inscrivent dans les Modules de Travail Techniques 1 et 3. Sa thèse a été dirigée par l’IRDL, laboratoire de recherche de l’Université de Bretagne Sud (PP Chef de file) par Alain Bourmaud (IRDL/UBS), et co-encadrée par Johnny Beaugrand (INRAe) et Frédéric Jamme (Synchrotron SOLEIL). Les travaux avaient pour objectif général de caractériser finement les parois végétales de fibres de lin afin de mieux comprendre l’influence de leur microstructure et leur composition sur les performances mécaniques. Ils étaient en lien direct avec une des problématiques majeures de FLOWER visant à sélectionner des fibres de lin optimales pour réaliser des biocomposites performants.

Les expériences menées au Synchrotron SOLEIL avaient pour objectifs de mieux connaitre les paramètres structuraux des fibres de lin suite à un manque d’eau. Ils ont été axés sur la microstructure physique de ces fibres mais aussi sur leur composition biochimique. Ce volet des travaux de thèse de Alessia Melelli avait donc pour ambition de faire le lien entre des choix effectués à l’échelle du cultivateur ou imposés par le climat et les performances des futurs biocomposites réalisés avec des fibres de lin. La Figure 1 présente une illustration de deux lots de lin de la même variété, l’un ayant poussé sous des conditions normales et l’autre sous stress hydrique.

Figure 1. Illustration et mesure du diamètre et de la hauteur de tiges de lin ayant poussé dans des conditions normales et sous stress hydrique

La composition biochimique des fibres stressées et non stressées a été étudiée grâce aux équipements de microscopie UV de la ligne de lumière DISCO du Synchrotron SOLEIL, cette microscopie à haute résolution permet de connaitre les compositions biochimiques des parois de lin et surtout d’obtenir des cartographies des constituants selon les conditions de culture ou environnementales. L’intérêt de cette microscopie à SOLEIL est l’accès, grâce au flux de lumière unique, à des longueurs d’ondes beaucoup plus larges que celles accessibles dans des laboratoires conventionnels. Elles permettent de mettre en évidence une gamme plus large de constituants. Des différences significatives, pouvant avoir un impact sur les performances des fibres de lin ont été relevées (Figure 2).

Figure 2. Visualisation par la couleur des différences de composition biochimique dans une tige de lin stressée et non stressée, chaque couleur représente une famille de constituants

L’accès à ces équipements était une chance pour notre consortium et nous a permis d’accroitre les connaissances sur la fibre de lin et surtout de pouvoir sélectionner des fibres performantes pour les futurs biocomposites réalisés dans et en dehors de FLOWER. Désormais, ces différents résultats peuvent bénéficier aux producteurs de fibres qui peuvent ainsi adapter leurs conditions de culture pour optimiser les performances des fibres mais aussi aux industriels des composites, que ce soit dans le consortium ou en-dehors. Ces derniers peuvent sélectionner des fibres ayant les meilleures performances pour la réalisation de composites. Les travaux issus de ces recherches ont été publiés et sont disponibles librement sur le site Internet du projet.

Développement d’une nouvelle méthode de mesure de l’angle microfibrillaire des fibres de lin, ligne de lumière DISCO

Des expériences ont été conduites à l’aide d’un microscope à feuillet de lumière et par la technique de génération de seconde harmonique (SHG); cette technologie, unique en Europe, permet d’accéder aux orientations de la matière dans de très petits objets. Elle peut permettre de déterminer les angles microfibrillaires de la cellulose présente dans les parois de lin qui conditionnent grandement les performances mécaniques des fibres. Les fibres issues des différents lots ont été analysées et leurs angles microfibrillaires déterminés afin de sélectionner les plus performantes. Ces travaux ont permis de développer une méthode originale, visuelle et simple pour déterminer ce paramètre prépondérant de la structure des fibres de lin. La figure 3 illustre ces mesures.

Figure 3. Visualisation des orientations de la cellulose au sein des fibres de lin par microscopie SHG

La connaissance et la détermination de ces angles présente un intérêt majeur pour l’industrie des composites, en effet leur valeur impacte directement les propriétés mécaniques des fibres et donc celles des matériaux composites. Ces développements ont également été conduits dans la thèse de Alessia Melelli.

Endommagement des fibres de lin et influence de leurs défauts, lignes de lumière SWING, DISCO et ANATOMIX

Dans la lignée de ces travaux, une thèse portant sur l’endommagement des fibres/faisceaux de lin et les implications à l’échelle du composite a été financée. L’INRAE de Nantes a recruté Emmanuelle Richely pour travailler sur ces sujets, en co-encadrement avec l’Université de Bretagne Sud et le Teillage Vandecandelaère. Les essais ont permis d’obtenir des premières données sur les échantillons provenant du Teillage Vandecandelaère ainsi que de planifier une future campagne de caractérisation, en lien avec le Module de Travail T1.

Plusieurs déplacements au Synchrotron SOLEIL ont été nécessaires afin de mener à bien les travaux de la thèse puis du post-doctorat ayant suivi. L’objectif de ces déplacements était notamment de compléter des expérimentations en caractérisation structurale de fibres et faisceaux de lin afin de nourrir un modèle numérique. Cela a été rendu possible par des essais de diffraction aux rayons X sur la ligne SWING du synchrotron SOLEIL. Des protocoles d’essais expérimentaux ont été développés dans le cadre du projet (Figure 4), des systèmes de contrôle environnemental et des outils spécifiques de traction ont été implémentés grâce à un partenariat entre UoP, INRAE, UBS et SOLEIL. Il s’agissait également d’une excellente opportunité pour faire connaître encore davantage notre projet dans la communauté scientifique nationale académique compte tenu du degré d’innovation de ces travaux.

Figure 4. Développements dédiés aux essais de diffraction sur fibres de lin sur la ligne SWING

Les essais ont permis d’obtenir des informations sur les modes de rupture et les déformations ainsi que de mieux comprendre le rôle de l’orientation des microfibrilles de cellulose, des défauts et lumens dans la rupture de fibres et faisceaux de lin. Ceux-ci provenaient de lots du Teillage Vandecandelaère contrastés en terme de qualité et quantité de défauts. Ces données ont permis d’enrichir le modèle numérique représentant le comportement mécanique de fibres et faisceaux de lin développé entre INRAE et TVDC. Une originalité majeure a été la mise en place d’essais de traction couplés à des essais de diffraction des rayons X, sur fibre unitaire et dans des conditions environnementales contrôlées. Nous avons pu démontré l’importance de minimiser les défauts des fibres pour améliorer les performances des fibres.

A la suite de ces travaux, des mesures d’angles microfibrillaires ont également été réalisées dans le cadre de la thèse de Alessia Melelli sur des zones de défauts afin de conforter les résultats obtenus sur SWING. De nouvelles mesures SHG réalisées avec les moyens de la ligne DISCO ont permis de déterminer de manière précise les valeurs d’angles dans les défauts des fibres (Figure 5).

Figure 5. Orientation de la cellulose mesurée par SHG dans des fibres de lin

Ces travaux ont été conduits sur des lins modernes mais aussi sur des lins Égyptiens anciens, grâce à une collaboration avec le Musée du Louvre, toujours dans le cadre de la thèse de Alessia Melelli. L’étude de ces objets anciens permet de mieux comprendre le vieillissement à long terme des fibres. Lors de ce pan du projet, nous avons eu l’opportunité de travailler sur des tissus mortuaires de l’époque du Moyen-Empire Égyptien, datant d’environ 4000 ans. Une illustration est proposée Figure 6.

Figure 6. Défauts des fibres de lin observés en microscopie électronique et SHG à Soleil

Ces travaux se poursuivent toujours dans le cadre de FLOWER, à travers le post-doc de Camille Goudenhooft à l’UBS. Depuis la fin de la thèse de Alessia Melelli, nous continuons l’exploration de ces zones de défauts, en particulier par des investigations sur la ligne DISCO mais aussi en nano-tomographie, sur la ligne de lumière ANATOMIX. Ces essais nous permettent de visualiser les fibres et leurs défauts en 3D, sans altérer les fibres. Une illustration est présentée sur la Figure 7.

Figure 7. Reconstruction en 3D d’un faisceau de fibres de lin après tomographie. Détermination des porosités dans les zones de défauts.

Bilan global, poursuites du projet et de la collaboration avec SOLEIL

Tout au long de FLOWER, la collaboration avec SOLEIL a été constante et nous a permis de développer des technologies et des connaissances très innovantes et scientifiquement à la pointe, à travers les travaux de Emmanuelle Richely et Alessia Melelli, nous avons aussi pu valoriser ces résultats dans des revues scientifiques à fort impact et internationalement reconnues dans notre communauté.

Les données récoltées ont ensuite été intégrées à l’échelle des renforts développés dans le cadre du projet FLOWER, avec comme but de mieux connaître notamment ceux développés et produits par le Teillage Vandecandelaère. Les modèles développés sont utilisés pour prédire le comportement de futurs matériaux, préalablement aux essais expérimentaux.

Le but final est de faciliter et augmenter, à moyen terme, les développements industriels des composites à base de fibres végétales dans la zone Trans-Manche en particulier.

Ainsi, la collaboration avec le Synchrotron SOLEIL a été fondamentale pour la réussite du projet FLOWER.

  • D’une part, les doctorants ont pu approfondir leurs travaux, élargir leurs connaissances scientifiques, et mettre en avant le lien entre la structure, la composition des fibres de lin et les propriétés finales des composites.
  • D’autre part, la connaissance de ces propriétés a permis d’améliorer les prototypes du projet.

Cette collaboration se poursuit, notamment à travers le projet ANUBIS, financé par l’ANR et dont l’UBS est le porteur. Il est spécifiquement dédié à l’étude de lin ancien et s’étend jusqu’en 2025. A noter que L’INRAE et le Synchrotron SOLEIL sont partenaires de ce projet. Notre collaboration avec SOLEIL se poursuit, en particulier avec Alessia Melelli qui assure le lien grâce à sa position de post-doc à SOLEIL jusqu’en avril 2024.


[1] Le centre Synchrotron SOLEIL est composé de 29 lignes de lumière, ou installations expérimentales. Il s’agit d’un ensemble de cabanes successives où le rayonnement est recueilli, sélectionné, focalisé et dirigé vers les échantillons à étudier. Chaque ligne est spécialisée par domaines d’énergie. A SOLEIL, cette gamme s’étend des rayons infrarouges aux rayons X durs. Dans cet article, nous nous concentrons sur les lignes DISCO, SWING et ANATOMIX.

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